- ARCTIQUE (OCÉAN)
- ARCTIQUE (OCÉAN)L’océan Arctique constitue l’essentiel de la Méditerranée arctique, la plus importante des mers bordières de l’océan Atlantique. Il s’ouvre sur celui-ci, sur 400 km de largeur, entre le Spitzberg et le Groenland ; sa surface totale est de l’ordre de 12 millions de kilomètres carrés. La plus grande partie de cette mer intérieure, dont le pôle Nord occupe approximativement le centre, est couverte de glaces permanentes, d’où ses noms traditionnels d’océan Glacial Arctique et de mer Polaire Arctique.1. Données physiquesBathymétrieLes grands traits topographiques du fond n’ont été connus que tardivement: le centre de l’Océan est occupé par un ensemble de bassins profonds de 3 000 à 5 000 m, d’une surface d’environ 4,5 millions de kilomètres carrés. Ce bassin arctique est partagé par la chaîne de Lomonossov, qui s’étend des îles de la Nouvelle-Sibérie à la terre d’Ellesmere, entre le bassin hyperboréen, du côté américain, et le bassin de Nansen, du côté européen. Chacun d’eux, à son tour, comporte des reliefs plus ou moins parallèles à la chaîne centrale séparant des plaines abyssales.La seule ouverture profonde de ces bassins vers l’océan mondial, entre le Spitzberg et le Groenland, a des fonds supérieurs à 3 000 m: c’est l’auge de la Léna, ainsi appelée du nom du navire qui l’a découverte. Par contre, entre les deux bassins, la chaîne de Lomonossov, dont les points culminants se trouvent à environ 1 000 m de fond, ne semble pas comporter de col à plus de 2 000 m de profondeur.Le bassin arctique est entouré de très vastes plateaux continentaux, parfois très peu profonds, sur lesquels se trouvent des mers épicontinentales assez bien individualisées.Géophysique et géologieSi les plateaux continentaux ne sont que le prolongement des terres émergées voisines, le bassin arctique, lui, est de nature fort complexe.La chaîne de Lomonossov semble être un relief continental, une chaîne plissée au début du Secondaire, prolongement des reliefs analogues de la chaîne de Verkhoïansk et de la terre d’Ellesmere. Le bassin hyperboréen serait, lui aussi, de nature continentale, la partie orientale étant un bouclier précambrien, et la partie occidentale une plaine sédimentaire, la ride de Mendeleev n’étant autre qu’un horst. Tout cet ensemble résulterait donc de l’effondrement d’une région continentale.Au contraire, le bassin de Nansen est de nature océanique, car il est issu de l’écartement progressif de deux môles continentaux: son fond est constitué de roches basiques, et il comporte une dorsale axiale, avec un rift médian près duquel se trouvent d’importantes montagnes sous-marines. Cette dorsale, dite dorsale de Nansen, est considérée comme le prolongement de la dorsale médio-atlantique.ClimatQuoique les températures habituelles de cette région soient basses, elles sont moins contrastées que dans l’Antarctique à cause du volant thermique que constitue l’eau de mer. En été, la moyenne au pôle est assez proche de 0 00C.Un anticyclone thermique pelliculaire règne en permanence sur l’océan Arctique, et ce n’est qu’en été ou en automne que quelques perturbations peuvent y pénétrer. Aussi les précipitations, encore voisines de 300 mm près des côtes, se réduisent-elles à 75 mm près du pôle. Les vents, moins violents qu’en Antarctique, ont généralement une importante composante nord-sud.HydrologieLes eaux superficielles sont très froides (face=F0019 漣 1,5 0C) et peu salées (parfois moins de 30 p. 1 000). Elles sont fournies d’une part par le détroit de Béring (entrée d’eaux pacifiques déjà refroidies en mer de Béring), d’autre part par le courant littoral eurasiatique (eaux d’origine atlantique, passées à l’est du Spitzberg et refroidies pendant leur traversée des mers épicontinentales, que l’obstacle des îles de Nouvelle-Sibérie rabat ensuite vers le bassin arctique). Ces eaux refroidies font le tour du bassin hyperboréen dans le sens des aiguilles d’une montre, et, à chaque tour, une partie s’évade le long de la côte orientale du Groenland.Sous cette couche superficielle, d’une cinquantaine de mètres d’épaisseur, et particulièrement entre 200 et 900 m de profondeur, se trouvent des eaux d’origine atlantique, plus chaudes (leur température peut atteindre + 1 0C) et plus salées (environ 35 p. 1 000); elles pénètrent en surface en passant à l’ouest du Spitzberg, et plongent aussitôt sous les eaux superficielles. Elles décrivent, dans le bassin de Nansen, un circuit senestrogyre, longeant ainsi la chaîne de Lomonossov en direction de la terre d’Ellesmere, où une partie d’entre elles se portent dans le bassin hyperboréen pour parcourir un circuit dextrogyre analogue à celui des eaux de surface.Sous l’eau atlantique, on retrouve une eau aussi salée, mais d’autant plus froide qu’elle est plus profonde, probablement dérivée des eaux de fond de la mer de Norvège. Les eaux les plus froides ne peuvent envahir que le bassin de Nansen, car le bassin hyperboréen est protégé par la chaîne de Lomonossov. Aussi les eaux de fond de ce dernier bassin ont-elles une température supérieure de 0,4 0C à celle des eaux de fond du bassin de Nansen (face=F0019 漣 0,4 0C contre 漣 0,8 0C).Glaces flottantesAu centre de l’Océan, l’épaisseur de glace est normalement comprise entre 3 m et 3,50 m. Mais les glaces brisées peuvent se chevaucher et atteindre localement des épaisseurs plus considérables. En été, la glace superficielle fond. En hiver, la glace s’épaissit, surtout par-dessous. Cette glace de mer se dessale progressivement, et la vieille glace de surface, âgée de 5 à 8 ans, n’a plus guère qu’une salinité de 0,5 p. 1 000.Les glaces des zones littorales se démembrent en été, et la circulation des navires est possible le long de la côte sibérienne, et même le long des côtes canadiennes. La mer de Barents est praticable tout l’été.Des icebergs s’ajoutent à ces glaces de mer; ils proviennent des glaciers des îles (notamment ceux, tabulaires, issus de la terre d’Ellesmere, qui sont utilisés par les stations scientifiques dérivantes) ou de la calotte groenlandaise (icebergs plus massifs, parce que issus de langues glaciaires étroites et épaisses).Toutes ces glaces dérivent progressivement vers l’Atlantique nord, les unes par la côte orientale du Groenland, où elles dépassent peu le cap de Farewell, les autres (les plus dangereuses) le long de la côte du Labrador. Les glaces de mer fondent vite, mais les icebergs se maintiennent longtemps, quatre cents d’entre eux, en moyenne, dépassant chaque année le 48e parallèle au large de Terre-Neuve.Bilan hydrologiqueLes échanges d’eau sont le facteur essentiel des échanges de chaleur; les résultats varient selon les auteurs, mais il semble que l’état actuel d’englacement de l’Océan soit stable, et que si les glaces de mer fondaient, elles ne se reconstitueraient pas; ces glaces sont donc l’héritage de la dernière période froide quaternaire.BiologieLa faune benthique des plateaux continentaux est assez riche, constituée de mollusques et de foraminifères calcaires, là où les eaux sont moins froides: mer de Barents et de Kara, mer des Tchouktches, partie externe du plateau continental de l’archipel arctique canadien. Elle est plus pauvre, faite de crustacés et de foraminifères arénacés, dans les eaux les plus froides: mers sibériennes, littoral canadien.Le phytoplancton, principalement les diatomées, n’est représenté que dans les mers épicontinentales. Le zooplancton, assez varié dans les mers bordières, s’appauvrit dans les régions toujours couvertes de glaces, où il n’existe plus guère que la seule espèce Globigerina pachyderma .De même, les poissons sont surtout abondants dans les eaux épicontinentales les moins froides; la morue polaire, l’esturgeon dans les estuaires, et des espèces arctiques de salmonidés, d’éperlans et de carrelets sont les plus répandus.Les mammifères marins sont les animaux les plus spectaculaires de l’Arctique: si les baleines, autrefois très abondantes autour du Spitzberg, ont été pratiquement exterminées, les phoques et les morses, aptes à se réfugier dans des eaux inaccessibles aux pêcheurs, sont restés très abondants, surtout devant les côtes asiatiques et américaines.2. GéomorphologieLittorauxLes plages arctiques connaissent, en été, des alternances fréquentes de gel et de dégel qui fragmentent cailloux et roches. Les graviers et sables ainsi libérés sont emportés vers le large par les glaces, lors de la débâcle, mais les glaces ne peuvent guère que longer les côtes, et ce n’est donc que sur les plateaux continentaux que tombe la pluie des sédiments glacio-marins.Plateaux continentauxDevant les côtes alaskiennes et sibériennes, le plateau continental est très large (750 km en moyenne) et très peu profond, son rebord étant vers 70 m. Il ne porte que des traces de glaciations très anciennes et celles d’un modelé fluviatile contemporain des dernières régressions marines.Au contraire, les plateaux continentaux européens, groenlandais et canadiens portent les traces d’une glaciation récente qui a façonné de larges et profondes vallées en auge, et qui est responsable des profondeurs relativement importantes auxquelles se trouve le rebord des plateaux, le poids des glaciers ayant entraîné un enfoncement isostasique qui n’a pas encore été compensé par la remontée entamée depuis une dizaine de milliers d’années.Devant l’archipel arctique canadien, le rebord se trouve ainsi à 550 m de profondeur et même 650 m là où convergeaient les principaux glaciers; la partie externe du plateau, au-dessous de 425 m de profondeur, offre les traits habituels des plateaux continentaux; la partie interne est aussi accidentée que les terres émergées voisines.À la différence des plateaux continentaux canadiens et groenlandais, qui sont étroits (environ 200 km), ceux d’Europe sont très larges, 1 000 km en général: ce sont les mers épicontinentales de Barents et de Kara. Les fonds sont extrêmement variés, avec des vallées et des chaînes de collines, des moraines frontales submergées et les traces de littoraux anciens plus ou moins déformés.Bassins profondsLes plaines abyssales des bassins océaniques profonds sont en général à des profondeurs voisines de 4 000 m, et leurs sédiments, mélange de sédiments glacio-marins ou biogènes tombés en pluie et d’apports latéraux venus des plateaux continentaux voisins, sont disposés selon des pentes très douces, aboutissant, pour les moins profondes de ces plaines, à des chenaux par lesquels elles se déversent dans les plus profondes.Sur les reliefs qui séparent ces plaines, et qui ne reçoivent pas d’apports latéraux, la sédimentation semble ne se faire qu’à la vitesse de 1,5 mm par millénaire. Dans les plaines, elle peut atteindre 5 mm par millénaire.3. Découverte et utilisationHistoire de l’explorationC’est vers le XVIe siècle que des explorations méthodiques ont été entreprises pour découvrir des routes nouvelles vers l’Orient soit par le passage du Nord-Est (en contournant l’Eurasie), soit par le passage du Nord-Ouest (en contournant l’Amérique).C’est celui-ci que cherchait, en 1497, Jean Cabot sur les côtes du Labrador. Mais bien que John Davis ait atteint, dès 1587, la latitude 720 nord sur les côtes occidentales du Groenland, et que les expéditions de Henry Hudson, de William Baffin, et de Smith aient précisé ce qu’on savait de l’archipel arctique canadien, ce n’est qu’en 1854 que McClure parvint à franchir celui-ci, mais à pied; il fallut attendre l’expédition de Roald Amundsen sur la Gjo/a , de 1903 à 1906, pour qu’un navire franchisse enfin le passage du Nord-Ouest.Hugh Willoughby, en 1553, et Willem Barents, en 1596, commencèrent la recherche du passage du Nord-Est. Maintes expéditions russes, autrichiennes ou américaines suivirent, et enfin, en 1879, Adolf Nordenskjöld, parti l’année précédente du cap Nord, atteignait le détroit de Béring. La course au pôle occupa ensuite les esprits, et il fut atteint en avril 1909 par Robert Peary, parti à pied de la terre d’Ellesmere.Depuis la dérive du Fram , de 1893 à 1896, on savait qu’il existait dans l’Arctique des profondeurs importantes, justifiant le nom d’océan. Mais ce n’est qu’en 1948 que fut découverte par les Soviétiques la chaîne de Lomonossov, et seule l’utilisation combinée, depuis 1958, de stations dérivantes installées sur des îles de glace et de sous-marins ou de brise-glace atomiques a permis d’entreprendre une étude scientifique rationnelle.Utilisation de l’océan ArctiqueL’océan Arctique est le seul à avoir fait l’objet de tentatives d’appropriation: l’U.R.S.S. s’est déclarée, en 1926, souveraine de la partie de l’Océan comprise entre ses côtes et le pôle.La navigation le long des deux passages est demeurée difficile. Ce n’est guère que le long des côtes sibériennes que des transports réguliers sont effectués par mer, mais plutôt pour la desserte des ports sibériens que pour une liaison Atlantique-Pacifique.Les vastes plateaux continentaux de la mer de Barents, de la mer de Kara et de la mer des Tchouktches sont en été de bons terrains de pêche. On chasse également les phoques et les morses, surtout sur les côtes canadiennes. Ailleurs, la faune est moins riche et la navigation trop difficile.La mer de Barents est assez riche en nodules de manganèse, mais leur exploitation ne semble pas avoir été entreprise jusqu’ici.
Encyclopédie Universelle. 2012.